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LES SABOTS DE NOËL

Je saignais de partout, quand ils sont partis pour déjeuner.

J’espérais bien être mort, à leur retour, mais je vivais encore, quand ils reparurent ; ils n’étaient plus que trois.

Ils se remirent à l’ouvrage : deux m’ont scié l’os de la tête, en rond ; ils l’ont enlevé comme un couvercle, et posé devant moi : tout ce que j’avais enduré jusqu’alors, ce n’était rien auprès de ce que j’ai souffert quand on m’a enfoncé des aiguilles et des pinces dans le profond de la tête ; ils tiraillaient tout, ils déchiquetaient, ils broyaient ou tordaient, annonçant ce qu’ils allaient faire et nommant des parties de moi qui, toutes, avaient leur nom, et ils liaient des artères avec des ficelles, ils tranchaient des nerfs avec des lames, ils touchaient avec de l’électricité, ils brûlaient avec du fer rouge, ils me cousaient, et ma douleur s’en allait dans tout mon corps, et c’était si atroce que je ne faisais plus attention au jeune homme accroupi qui coupait mes deux derniers sabots, en fumant sa pipe.

Dieu des hommes, quelle torture ! Et longue, longue, et qui ne pouvait pas finir ! Ce qui m’est arrivé ensuite, je ne le sais