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LE SETUBAL

pée, je voyais loin : la flotte était là-bas, en rang, avec tous ses feux qui brillaient, bien calmes et fiers à donner confiance, et les étoiles, au-dessus, qui continuaient nos feux jusque dans le ciel.

Ça dure une heure. Je me repose.

La brise fraîchissait de plus en plus ; la mer moutonnait jusque dans le port. Je me dis :

— Mauvaise apparence…

Je connais cas pays-là. En quelques minutes, plus une étoile ; le ciel était comme de la poix.

— Ça va ronfler !

Je me décrochais les yeux à guetter. Tout d’un coup, qu’est-ce que je vois, noir, entre les lames, et qui file ? Une baleinière, un torpilleur ? Pas de feux ! Pourquoi ? On dirait que ça fume, mais si peu…

Je saute sur mes avirons, et en avant ! Mon barreur dormait, je le réveille et nous filons entre ces satanés chargeurs qui encombraient le port. Je perds de vue la chose noire, mais je la retrouve ; d’ailleurs elle se rapproche.

Plus de doute, c’est un torpilleur !