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Page:Hardouin - La Detenue de Versailles en 1871.pdf/40

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fants. Garçonnets de dix à seize ans, ils étaient là cent cinquante qui jouaient avec toute l’originalité et l’insouciance de leur âge. Le génie inventif de ces gavroches, vivant de péripéties et jamais à court, avait su trouver dans l’actualité, si poignante qu’elle fût, éléments et motifs à leurs jeux. Le croirait-on ? ils s’amusaient à reproduire les scènes d’arrestation et cela avec une intelligence, une mémoire, dignes d’un meilleur emploi, certes, et qu’on aurait fait servir plus utilement à leur éducation. Mais les moralisateurs de Versailles, s’occupaient trop alors de se débarrasser des pères pour s’embarrasser des enfants.

Ces gamins s’étaient distribué les rôles. L’un faisait le commissaire, l’autre était le prisonnier, voire le portier délateur (mouton) ; les plus forts mimaient les agents (sergos), d’autres enfin les soldats et jusqu’à la famille éplorée. Dénonciations, perquisitions, arrestations, douleurs, prières, plaintes ou révoltes, toutes circonstances qui précèdent, accompagnent, entourent ou suivent l’exécution d’ordres arbitraires, étaient reproduites par eux avec un naturel de gestes et d’intonations à faire rire et pleurer tout ensemble.