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À leur rentrée, quelques prisonnières de la Chapelle et des Batignolles me reconnurent, et je devins entre elles l’objet d’un débat où le cœur plaidait en première instance. Ces braves femmes se souvenaient qu’en des temps plus heureux, elles m’avaient confié leurs enfants, et toutes voulurent m’avoir pour voisine. N’ayant pas le don d’ubiquité, je me laissai entraîner par l’une d’elles, sage-femme, qui déjà m’avait préparé une paillasse.

Tant de sympathie ne put cependant vaincre la tristesse dont j’étais saisie, et qu’augmentait encore le tableau que j’avais sous les yeux. La fatigue de ces deux jours, jointe à l’inquiétude où j’étais sur ma famille, tant d’émotions enfin devaient avoir leur contre coup : la poitrine oppressée, suffoquant, je tombai sur la paille et pleurai longtemps.

Cette seconde nuit, passée loin des miens dans ce Grenier, fut un long cauchemar dont l’obsédante impression me resta toute la nuit. Cependant une sorte de demi-léthargie m’envahit, et brisée, à bout de forces, je finis par m’endormir. Il fallait que la nature, vivace et puissante en moi, fut vraiment accablée, pour que j’eusse pu céder au sommeil dans ce milieu bruyant