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pirable ; seulement, après huit heures, le soir, il n’était possible à personne d’y séjourner ; les gendarmes rudoyant quiconque s’avisait de ne pas regagner le Grenier assez vite.

L’éclairage de ce Grenier, bouge pour cinq cents créatures humaines, consiste en deux lampes à chaque extrémité. La lumière qu’elles émettent esquisse à peine dans la nuit les êtres et les choses. Une pénombre où s’agitent confusément des formes indécises, c’est tout ce qu’on peut distinguer avant que, s’affaissant peu à peu dans le fouillis du vaste grabat, ces ombres en arrivent à ne plus former qu’un tas avec lui… C’est l’heure du repos. Un bruissement de paille qu’on écrase, se confondant avec une rumeur que la fatigue abat bientôt, et le bruit, en quelque sorte tamisé, s’individualise. Alors on peut entendre s’exhaler les tristes andantes de la souffrance : des plaintes entrecoupées de sanglots d’un timbré lugubre vous font tressaillir. En proie à quelque vision de mort, une malheureuse, subitement dressée sur sa couche, s’y laisse retomber gémissante, puis c’est le pas lourd et scandé du gardien, et, dans la nuit, la vibration prolongée des wagons qui roulent et le sifflet aigu des locomotives.