Page:Hardy - Jude l’Obscur.djvu/11

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née ici, entre ces quatre murs. Ma nièce et son mari, après leur mariage, n’eurent pas de maison à eux pendant un ou deux ans. Lorsqu’ensuite ils furent installés… mais ne parlons plus de ça. Jude, mon enfant, ne vous mariez jamais : il n’est pas bon pour les Fawley d’entrer dans ce chemin-là. Elle, leur unique enfant, fut comme ma propre Mie, Belinda, jusqu’à la séparation. Ah ! qu’une petite fille ait connu de tels changements !… »

Jude, voyant l’attention générale concentrée encore sur lui, quitta la boulangerie, où il avait mangé le gâteau réservé pour son déjeuner. La fin de son court repos était arrivée et, sortant du jardin en escaladant la haie, il suivit un sentier vers le nord jusqu’à une large et solitaire dépression du plateau, ensemencée de blé. Ce vaste creux était le théâtre de ses travaux pour M. Trontham, le fermier ; Jude descendit au milieu.

La surface brune du champ était limitée tout autour par le ciel et se perdait par degrés dans la brume qui envahissait ses confins et rendait la solitude plus saisissante. Rien n’en rompait l’uniformité, si ce n’est une meule formée par les récoltes de l’année précédente, des corneilles qui s’envolèrent à l’approche de Jude et le sentier par lequel il était venu,

— Que c’est laid, ici! murmura-t-il.

Il s’arrêta auprès de la meule et, pendant quelques instants, il fit vigoureusement résonner sa crécelle. À chaque claquement, les corneilles, cessant de becqueter, s’élevaient sur leurs ailes nonchalantes, sombres comme une cotte de mailles, tournoyaient en regardant Jude avec circonspection et descendaient picorer à distance respectueuse.