Page:Hardy - Jude l’Obscur.djvu/7

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articles ; puis, à neuf heures, M. Phillotson monta à côté de ses paquets de livres et autres impedimenta et il dit adieu à ses amis.

— Je ne vous oublierai pas, Jude, dit-il en souriant, comme la charrette s’ébranlait. Souvenez-vous d’être un bon garçon, bienveillant pour les animaux et surtout pour les oiseaux. Lisez tout ce que vous pourrez lire. Et si jamais vous allez à Christminster, ne négligez pas de venir me voir, en souvenir de nos anciennes relations. La charrette cria sur le gazon et disparut à l’angle du presbytère. L’enfant retourna’ vers le puits, au bord du pré où il avait laissé ses seaux pour aider son bienfaiteur et maître à charger. Un frisson passait maintenant sur ses lèvres. Il enleva le couvercle du puits ; le seau commençait à descendre. Jude appuya son front et ses bras sur la margelle, et son visage prit la fixe expression d’un enfant pensif qui a senti, avant le temps, les aiguillons de la vie. Le puits dans lequel il regardait était aussi ancien que le village même, et, dans la position actuelle de Jude, il lui apparaissait comme une longue perspective circulaire, terminée par un disque brillant d’eau frémissante à la profondeur de cent pieds. Là, il y avait une ligne de mousse verte à fleur d’eau, et, plus près encore, des touffes de fougère de l’espèce dite « langue de cerf».

Jude se disait à lui-même, avec le ton mélodramatique d’un enfant bizarre, que le maître d’école était venu bien des fois tirer de l’eau à ce puits et qu’il n’y viendrait plus jamais. « Je l’ai vu regarder là-dedans, quand il était fatigué de tirer les seaux, tout comme moi maintenant, et pendant les repos, avant d’emporter les seaux à la maison. Mais il était trop remar-