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nora l’énigmatique

fondément, malgré son extrême jeunesse, pour qu’il eût gardé une fraicheur absolue de sentiment.

Quand, dans le silence et la solitude de la nuit, il s’arrêtait à repasser en esprit les événements de sa courte vie, il était plutôt tenté de la trouver longue, tant elle avait été remplie de vicissitudes, surtout de désagréables et douloureuses vicissitudes.

Aussi loin que remontaient ses souvenirs, il apercevait sa mère, toujours triste, passionnément attachée à son fils, mais dont le regard se perdait souvent dans le vague, à la recherche d’un souvenir désespéré.

On n’était pas riche. Sans connaître la misère, la maman ne recevait que des sommes tout juste suffisantes et bien irrégulières quoiqu’elles fussent parfois importantes. D’où venaient-elles ? On ne savait : un notaire se chargeait de les transmettre, mais refusait de dévoiler le secret de l’envoyeur.

— Du reste, disait-il, seul le cachet de la poste me renseigne. Je ne saurais vous dire grand’chose. À quoi bon, pour si peu, violer un serment que j’ai donné et risquer de mettre fin à une situation qui, malgré ses ennuis, n’en présente pas moins certains avantages et préserve, en tout cas, l’essentiel : il est si ombrageux, vous le savez.

Ce il évoquait tout le mystère qui assombrissait l’existence de ces deux êtres si unis, la mère et le fils.

Mystère à peu près absolu pour Édouard.

Il savait seulement que sa mère n’était pas veuve. Que son père, à lui, était parti un jour et qu’on ne savait où il se trouvait. C’était lui qui envoyait de l’ar-