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nora l’énigmatique

L’homme que nous avons arrêté est un habitant des environs. Nous n’avons rien de précis à invoquer contre lui. Il est pour le moins suspect. D’abord, nous avons fini par savoir que, bien qu’ayant demeuré à Gerardino autrefois, il est disparu pendant plusieurs années, pour ne reparaître que lorsque nos troupes ont débarqué en Calabre. Ensuite, on l’a toujours vu rôder autour des troupes, tâcher d’en tirer des renseignements, les interroger sans cesse. Enfin, il voyage beaucoup, parfois avec des sauf-conduits, d’autres fois sans documents. Nous l’avons cueilli alors qu’il se dirigeait vers le nord, passé nos avant-postes. Il a beau fournir une explication qui paraît plausible, la situation est trop critique dans ces parages pour qu’un civil s’y risque sans raison sérieuse… Nous allons bien voir.

Sur ce, le capitaine appela un planton, pour lui demander d’aller chercher le prévenu.

C’était un Italien du peuple, typique. Face arrondie, yeux vifs, moustaches tombantes. Vêtu de pièces et de raccrocs, les pieds chaussés d’espadrilles, rien ne le distinguait des paysans qu’on voyait dans les champs, s’obstinant, entre deux batailles, à arracher à un sol ingrat, et dans ce domaine de la mort, de maigres aliments qui perpétueraient un peu de vie. Le sergent se rappelait vaguement de l’avoir vu au café de Gerardino.

L’interrogatoire se révéla laborieux. Édouard Lanieu connaissait déjà assez d’italien pour suivre la conversation, qui en restait aux phrases élémentaires.

— Tu te nommes Guglielmo Ferrati !

— Non : Giacomo Betesta.

— C’est le nom que tu as donné, mais je trouve l’autre dans des papiers que tu portais sur toi.