Page:Harvey - La Circulation du sang, trad. Richet, 1879.djvu/221

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Les scoliastes énumèrent les esprits de courage, de prudence, de patience et de toutes les vertus et l’esprit suprême de la sagesse ; ils disent que tout est un don divin, et ils inclinent à croire qu’il y a de bons et de mauvais esprits qui agitent le corps, qui tantôt le possèdent et tantôt l’abandonnent, errant de toutes parts. Selon eux, les maladies comme la cacochymie sont produites par des démons malfaisants. En somme, il n’y a rien de plus incertain ni de plus obscur que les opinions reçues sur les esprits. Cependant, avec Hippocrate qui a voulu que notre corps fût composé de trois parties, celles qui contiennent, celles qui sont contenues et celles qui donnent le mouvement, tous les médecins appellent esprit ce qui donne le mouvement. Et s’il faut entendre par esprit ce qui donne le mouvement, tout ce qui, dans les êtres vivants, a la force d’impulsion, doit être appelé esprit. Aussi tous les esprits ne sont-ils pas des êtres éthérés, ou des puissances, ou des modalités, ou des manières d’êtres, ou des substances incorporelles.

Mais, pour ce qui se rapporte principalement à notre dessein, laissons de côté toutes les significations vaines. Les esprits qui se répandent dans les artères et dans les veines ne se distinguent pas du sang plus que la flamme ne se distingue de l’éclat brûlant qui l’entoure. Le sang et les esprits du sang signifient la même chose, comme le vin généreux et ses esprits ; car le vin n’est plus du vin quand il a perdu ses esprits, mais du liquide ou du vinaigre : de même le sang sans esprits n’est plus du sang, mais, si vous voulez, du cruor. Comme une main de pierre ou de cadavre n’est plus une main, de même le sang sans esprits n’est plus du sang ; mais il est altéré et corrompu dès qu’il a perdu ses esprits. Ainsi les es-