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Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/111

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les demi-civilisés

passent dans la rue, parce que tu as peur d’y voir l’image à venir de toutes les femmes. N’est-il pas vrai ?

— Peut-être… et après ?

— Après ? Quand je suis entrée chez toi, l’autre jour, qu’est-ce que j’ai vu ? Des gravures de femmes splendides, sentant la jeunesse, la joie, et élancées, et sveltes, et élégantes… De grandes blondes à fine taille, aux joues rondes, à tempérament sanguin, capables de demander beaucoup d’amour et d’en donner autant… Regarde la femme aux lévriers blancs, par exemple, celle que le peintre intitule « Joie de Vivre »… Et les baigneuses, est-ce que leur rire, sur des dents de petites louves gourmandes, n’est pas une provocation ? Et l’arbre sous lequel elles se baignent, ce vieil arbre, n’a-t-il pas l’air de l’un des vieillards de Suzanne ? De même pour la Marguerite de Faust, la pudique Margot qui, un livre de messe à la main, reluque, avec une complaisance secrète, le séducteur… Ton goût va jusqu’à l’admiration d’un Greuze assassin, dont les formes nues, intitulées « La Douleur », pourraient porter un autre nom…

— À quoi veux-tu en venir ?

— À ceci : ce n’est pas le souci du grand art qui t’a guidé dans le choix de tes tableaux, mais la fascination des très belles et très jeunes femmes. C’est pour ça que tu préfères des peintres de second ordre à des maîtres.

— Il y a une part de vrai dans tes paroles. Qu’est-ce