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les demi-civilisés

duisez-vous en maîtres ! Prenez une femme, entièrement ; montrez-lui au besoin qu’elle n’est pas indispensable à votre vie. Gardez-la aussi longtemps qu’elle vous plaira, puis, conservez assez d’indépendance pour être le premier à partir. Celles que vous quittez de vous-même, sans raison, vous aiment éternellement. »

Telle était la conclusion à laquelle en était venu Hermann, après tant d’expériences. Il était naturel de s’y laisser prendre. En suivant sa direction, on constate une chose : l’amour, non pas la grande et belle passion, mais l’amour léger, à fleur de peau, vient aisément à celui qui ne veut pas le prendre au sérieux. Les femmes ordinaires n’aiment pas souvent cet air tragique que se donnent les Werther et les René. Elles veulent de la vie, du mouvement, des promesses de plaisir. Quand elles sentent, chez un homme libre, la joie de vivre dans sa plénitude, elles sont déjà vaincues à demi. Quand elles soupçonnent que le soupirant attache un prix immense à leur conquête et se morfond en désirs timides, elles ont, par instinct plus que par réflexion, l’art de se faire gagner chèrement, et elles trouvent en elles-mêmes des ressources inouïes de résistance et d’attente… Plus que l’homme, la femme tient à se tenir à la hauteur de l’opinion qu’on se fait d’elle.

C’est dans ces dispositions que je vis passer dans ma vie plus d’un visage féminin. Dans cet étourdissant hiver où les fêtes se succédaient vertigineusement, j’étais comme une lampe dans la nuit, lampe contre la-