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Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/42

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les demi-civilisés

prince de Galles et doué d’une certaine facilité de parole je crus qu’il n’existait dans la vie aucune entrée plus brillante pour moi que la carrière légale. L’amour de l’art, le beau sous toutes ses formes, le sentiment de la justice et l’idéal de l’équité m’animaient. Je pourrai aisément, me disais-je, concilier les exigences du métier avec ces goûts élevés qui sont le meilleur de l’homme.

Je déchantai bien vite. Au contact des gens de loi, je me rendis compte que, pour un grand nombre, il n’est pas de pratique plus déformatrice que celle du droit. À force d’agir selon des textes reconnus comme faisant seuls autorité, de se rendre compte que pour gagner des procès la lettre des codes vaut mieux que l’esprit des lois, de défendre des causes où la justice, le simple bon sens, sont sacrifiés à des formules, de préférer les recettes et les trucs à la naïve honnêteté des bonnes gens, vous finissez par avoir un cerveau légalisé. La légalité ! Quelle terrible chose !

Une fois que vous êtes entré là-dedans, adieu les lettres, les arts, les progrès de l’esprit, adieu même l’amour ! Ou bien vous épousez une dot afin de ne pas végéter trop longtemps, et vous perdez votre indépendance, ou bien vous avez des débuts misérables, et vous êtes forcé d’avilir votre talent.

Des besognes qui vous tenteront, la plus malheureuse, la plus accablante, parfois la plus sordide, c’est la politique. On croit, par elle, prendre un chemin de raccourci pour atteindre la clientèle ou se faire des amis ; mais à