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les demi-civilisés

diplomatie, je me suis demandé plus d’une fois, depuis que j’ai pris contact avec l’histoire, pourquoi un roi sans autorité réelle, un roi-simulacre, sans aucun pouvoir administratif, simple produit d’une vieille convention, sème tant de représentants de par le monde.

— Vous avez de drôles d’idées, mon garçon. Je suis pour les traditions et les hiérarchies couronnées. Je crois qu’il ne faut pas badiner avec ça.

— Tiens ! dit la vieille, voyez Thérèse Michel dans son coupé.

Une jeune fille, insolemment belle, filait, au milieu des véhicules et des tramways, à une vitesse de quarante milles à l’heure.

— Voilà comment elle fait rouler les dollars de ce pauvre Benjamin, ajouta le professeur.

David Benjamin, riche marchand de bois, avait Thérèse pour maîtresse. Il avait soixante ans, elle, vingt-cinq. Leur liaison avait commencé dans un bureau de la rue Saint-Pierre, entre une dictée et une machine à écrire, sous prétexte de leçon d’orthographe. Elle se continuait dans un secret que tout le monde connaissait et commentait.

— Qui ne ferait des folies pour une telle femme ? répliquai-je, gardant le ton frondeur que j’avais pris afin de scandaliser.

— Taisez-vous ! s’écria madame. Une petite sténographe dont la mère est blanchisseuse au faubourg ! Aucun rang social, une éducation comme ça…