Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/161

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tait entrer malgré lui dans sa vie. Il se demandait quel phénomène psychique ramenait Germaine près de lui. Accablée douze ans durant de l’adulation des hommes les plus beaux, les plus riches et les plus cultivés de tous les pays, les bras chargés des gerbes de ses derniers succès, les sens encore vibrants des émotions qu’elle avait chantées, cette femme de génie le choisissait, lui, l’homme aperçu dans un hasard, pour le témoin de la plus intime respiration de son cœur au repos.

Beaucoup d’hommes, entre vingt et trente ans, sont la proie de l’amour. Toutes les lèvres de ce dieu aux cent bouches se collent à leur être qu’elles vident jusqu’aux moelles. Rien n’égale la puissance de ce sentiment qui devient tyrannique à force d’être doux. Dès les premières flammes, les forces de sentir s’y épuisent ; puis, quand le pauvre cœur est exténué la réaction vient : on a vu le fonds et le tréfonds de toutes les joies, on est obligé de refaire le chemin parcouru. Plus rien de neuf ! À chaque volupté qui se présente, l’être blasé répond, comme le gamin de Paris, par le mot sacramentel : « Connu ! » Pour les gens arrivés à ce stage de la vie, l’amour n’est plus qu’un besoin physique, un sport. Désormais, ils se raccrocheront à la vie réelle et aux activi-