Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
MARCEL FAURE

La veille, quelques minutes avant la soirée, elle avait cherché et déterré le document, dans l’intention de le livrer à Marcel, qu’elle aimait vraiment. Elle l’avait placé sur son secrétaire, bien à la vue, afin de le trouver facilement. Le secret la rongeait depuis des semaines. Il remplissait toute sa tête ; elle avait l’impression qu’il y avait été incubé, qu’il y était vivant et cruel, lui becquetant la cervelle, et que le temps était venu où il allait lui faire éclater le crâne comme une coquille d’œuf. Il lui fallait tout dire ; la nuit qui se préparait allait être propice ; mais quand elle fut tout près de lui, le voyant si fort et si bon, elle n’osa pas, elle eut peur de le perdre. Elle crut qu’il valait mieux garder son secret et son ami, plutôt que de risquer de les perdre tous deux à la fois. Elle s’illusionna au point de s’imaginer que le bonheur lui serait possible quand même.

Marcel la trouva baignée de larmes. Elle baissa les yeux avec soumission, sous son regard dur. Ils restèrent quelque temps en présence, sans rien dire, elle, humiliée, lui, effrayant d’impassibilité. Elle lui dit, presque bas : Assieds-toi, Marcel.

— Vous me pardonnerez, mademoiselle, de ne pas m’asseoir. Je serai bref. » Il tira le manuscrit de sa poche, et, le lui montrant :