Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/61

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qu’au génie. Or, Marcel avait du génie. Au moment où Claire lui révélait que le souvenir maternel était un évangile, il se rendit compte que l’être ne vaut que par l’acte prouvé bon en soi-même, et il vit alors jaillir l’idée qui fixait sa destinée. Il savourait la certitude : l’action pure et simple, à laquelle il avait jusqu’alors voué un culte unique, exclusif, ne lui apparut plus comme une explication suffisante de la vie. Il maria l’acte à la conscience, et, du contact de ces deux formes de bien, naquit l’Idéal.

Il se transporta dans des lieux de misère, où la souffrance, couverte de souillures, la bouche tordue par la faim, le cœur suppurant l’immoralité, les os craquant sous la dent d’une vie féroce, se crispait à la terre désespérante. Un visage de vieille, déjà entrevu, se dressa devant lui, hideux. Une voix lui criait : « Tu as jadis contemplé mon vieux corps séché et tu m’as tendu une pièce de métal que j’ai happée comme une chienne. J’ai rongé ta bienfaisance en croyant que tu reviendrais et tu n’es pas revenu. Tu as oublié que nous vivons dans des mares fangeuses, que la douleur suinte de nos murs et que nos plaintes montent dans le ciel dur où elles se brisent. »

Les étoiles pâlissaient et Marcel ne dormait pas encore. Sa songerie cheminait sans fin