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Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/103

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soldats partant pour le front, un service complet de manucure. Le couvercle de la boîte représentait un homme qui se jetait sur l’ennemi, baïonnette au canon, tandis qu’un shrapnel éclatait au-dessus de sa tête. Au bas de l’image on lisait : « Fuer Gott, Kaiser und Vaterland !'[1]» À côté, un paquet de fruits secs s’enorgueillissait, au lieu d’une image de circonstance, des vers suivants en allemand :

Œsterreich, du edles Haus,
steck deine Fahne aus,
lass sie im Winde weh’n.
Œsterreich muss ewig steh’n !

De l’autre côté figurait cette traduction ingénieuse :

Autriche, ô noble Empire,
ton drapeau, il faut le sortir
pour qu’il flotte parmi le vent.
L’Autriche en a pour longtemps !

Comme dernier cadeau, la donatrice posa sur le lit une plante de jacinthes blanches en pot.

Lorsque tous les cadeaux s’étalèrent sur le lit, la baronne von Botzenheim s’attendrit tellement qu’elle ne put s’empêcher de se mettre à pleurer. Plusieurs simulateurs en bavaient. La dame de compagnie qui soutenait Chvéïk sur son séant pleurait aussi. Un silence s’établit que Chvéïk interrompit brusquement : il joignit les mains comme pour crier et murmura :

— « Notre Père, qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive »… Pardon, madame, ce n’est pas ça, je voulais dire : « Dieu de miséricorde, qui êtes notre Père à nous tous,

  1. Pour Dieu, l’Empereur et la Patrie.