Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un catholique ou un musulman, un anarchiste ou un Jeune-Tchèque, je m’en bats l’œil.

— Votre raisonnement est très juste, patron, fit Bretschneider sentant renaître son espoir de prendre en flagrant délit au moins un des deux hommes. Mais vous admettrez que c’est une grande perte pour la Monarchie ?

Chvéïk se chargea de répondre à la place du patron :

— C’en est une, personne ne le nie. Même une perte énorme. C’est que Ferdinand ne peut pas se faire remplacer par le premier imbécile venu. Il ne lui manquait que d’être encore plus gros.

— Qu’est-ce que vous entendez par là ? demanda vivement Bretschneider.

— Qu’est-ce que j’entends par là ? répéta Chvéïk d’un air content, mais tout simplement ceci : S’il avait été plus gros, il aurait déjà depuis longtemps attrapé une attaque en courant après les vieilles femmes là-bas, à Konopiste, quand elles ramassaient des champignons et du bois mort dans sa chasse, et il n’aurait pas été forcé de mourir d’une mort si honteuse que ça. Quand j’y pense ! un oncle de l’Empereur, et on le tue comme un lapin ! Mais c’est un scandale, tous les journaux en sont pleins. Chez nous, à Budejovice, il y a quelques années, on a bouzillé au marché, dans une petite dispute, un marchand de cochons, un certain Bretislav Ludovic. Il avait un fils qui s’appelait Geoffroy et, chaque fois qu’il s’amenait avec ses cochons à vendre, personne n’en voulait et tout le monde disait :

« C’est le fils du bouzillé de Budejovice, ça doit être une fine canaille ». Il a fini par se jeter dans la Vlatva à Kroumlov, on a été obligé de l’en tirer,