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Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/157

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feldkurat, tout en essayant encore de rouler sur Chvéïk ; et puis, je ne suis pas aumônier. D’ailleurs, je suis un cochon, ajouta-t-il avec la franchise des ivrognes ; lâchez-moi, monsieur, je ne vous connais point.

La courte lutte qui s’ensuivit finit par la victoire de Chvéïk. Celui-ci en profita pour traîner le vaincu au bas de l’escalier. Dans le vestibule, la lutte reprit de plus belle, le feldkurat résistant à outrance pour ne pas être tiré dans la rue. « Je ne vous connais point », ne cessait-il de répéter, en regardant fixement Chvéïk. « Et vous, est-ce que vous connaissez Otto Katz ? C’est moi. Je viens de voir l’archevêque, hurla-t-il en s’accrochant au battant de la porte, comprenez-vous ? Le Vatican s’intéresse à moi. »

Renonçant désormais aux formules de respect et à son « je vous déclare avec obéissance », Chvéïk recourut à un autre ton et à des expressions plus familières.

— Lâche la porte que j’te dis, fit-il, ou je te casse la patte. On s’en va chez nous, je ne veux plus d’histoires. Rouspète pas !

Le feldkurat lâcha la porte en roulant sur Chvéïk de tout son poids et hoqueta :

— Je veux bien aller quelque part avec toi, mais pas chez le bistro Suha, j’dois de l’argent au garçon.

Chvéïk sortit le feldkurat dans la rue et essaya de le pousser dans la direction de leur domicile.

— Qui est ce monsieur ? demanda un passant.

— C’est mon frère, répondit Chvéïk, il est en permission ; il est venu me voir et s’est soûlé de joie en me revoyant parce qu’il avait cru que j’étais mort.