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Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/245

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et que j’ai pour principe de punir avec une extrême sévérité le moindre micmac et le moindre mensonge. Chez moi, il s’agit toujours de dire la vérité et d’exécuter tous mes ordres sans rouspétance. Quand je vous dirai : « Sautez dans le feu », il faudra obéir, même si ça ne vous amuse pas. Qu’est-ce que vous regardez comme ça, voyons ?

Pendant l’exhortation du lieutenant, Chvéïk n’avait pu s’empêcher de regarder la cage du serin suspendue au mur. Obligé de répondre à la question de l’officier, il prononça de sa voix suave :

— Je vous déclare avec obéissance, mon lieutenant, que je vois là un canari du Harz.

Sans regret de troubler l’éloquence du lieutenant, Chvéïk gardait scrupuleusement la position militaire et le fixait sans broncher.

Lucas allait l’interpeller brutalement, quand il s’aperçut de l’expression d’innocence dont rayonnait le visage de Chvéïk :

— Dans sa recommandation, Monsieur l’aumônier m’a dit que vous étiez un imbécile épique et je crois qu’il ne s’est pas trompé.

— Je vous déclare avec obéissance, mon lieutenant, que Monsieur l’aumônier ne s’est pas trompé du tout. Quand je servais dans mon régiment, j’ai été réformé pour idiotie et pour idiotie notoire encore ! Nous étions deux : moi et puis un capitaine qui s’appelait von Kaunitz. Celui-là, sauf votre respect, mon lieutenant, quand il se promenait dans la rue, il avait toujours un doigt de la main gauche fourré dans le trou de nez gauche et le pouce de la main droite dans le droit, et quand il allait avec nous au champ de manœuvre, il nous faisait toujours mettre