Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/40

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Chvéïk sorti, cette trinité d’Esculapes décida que Chvéïk était un idiot notoire, un idiot à qui on pouvait appliquer toutes les lois naturelles, inventées par les maîtres de la psychiatrie.

Dans le rapport remis au juge d’instruction l’on pouvait lire notamment : « Les soussignés, médecins-légistes, considérant l’abrutissement général et le crétinisme congénital du sieur Joseph Chvéïk qui s’est présenté ce jourd’hui devant eux aux fins d’un examen mental, attendu qu’il a proféré des cris comme « Vive l’empereur François-Joseph Ier ! » ce qui suffit complètement à établir que ledit individu est un idiot incontestable, déclarent qu’il faut de toute urgence : 1° abandonner l’instruction préalable et 2° renvoyer Joseph Chvéïk devant une commission d’aliénistes en vue de constater si oui ou non sa vie est de nature à porter atteinte à la sûreté générale et à l’ordre public ».

Tandis qu’on rédigeait ce rapport, Chvéïk déclara à ses co-prisonniers :

— Ils se foutent pas mal de Ferdinand, par exemple ! Ils n’en ont pas soufflé mot ! Mais ils ont bavardé avec moi d’un tas de choses encore plus idiotes. À la fin, on s’est dit que ça suffisait et on s’est quittés contents de ce qu’on s’était raconté nous quatre.

— Je ne crois rien ni personne, proféra le petit bout d’homme accusé « de l’assassinat du squelette trouvé dans sa prairie ». Tout ça, c’est de la fripouillerie !

— Et même cette fripouillerie, il faut qu’elle existe, dit Chvéïk en se mettant au lit. Si tous les gens se voulaient du bien les uns aux autres, le monde ne ferait que se manger le nez !