Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/7

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direz, s’il vous plaît, qu’il se trouve dans mon chenil à la campagne, que je viens de lui couper les oreilles et qu’il n’est pas en état de voyager tant que ses oreilles ne sont pas cicatrisées, il pourrait prendre froid. La clef, vous la remettrez à la concierge.

Au Calice il n’y avait qu’un seul client. C’était Bretschneider, un agent en bourgeois. Le propriétaire, M. Palivec, rinçait les soucoupes, et Bretschneider essayait en vain d’entamer la conversation.

Palivec était célèbre par la verdeur de son langage, et il ne pouvait pas ouvrir la bouche sans dire « cul » ou « merde ». Mais il avait des lettres et conseillait à qui voulait l’entendre de relire ce qu’a écrit à ce sujet Victor Hugo dans le passage où il a cité la réponse de la vieille garde de Napoléon aux Anglais, à la bataille de Waterloo.

— Nous avons un été superbe, commença Bretschneider désireux de faire parler le patron.

— Autant vaut la merde, répondit Palivec en rangeant les soucoupes sur le buffet.

— Ils en ont fait de belles dans ce sacré Saraïévo ! hasarda Bretschneider avec un faible espoir.

— Dans quel « Saraïévo » ? questionna Palivec. Le bistro de Nusle ? Ça ne m’étonnerait pas du tout, là on se bat quotidiennement tous les jours. Tout le monde sait ce que c’est que Nusle…

— Mais je vous parle de Saraïévo en Bosnie, patron. On vient d’y assassiner l’archiduc Ferdinand. Qu’est-ce que vous en dites ?

— Des choses comme ça, je ne m’en mêle pas. Celui qui vient m’emmerder avec des conneries pareilles,