Aller au contenu

Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’exil. Le monstre était déjà une spécialité usée, il se garda donc bien de le ressusciter ; il fit mieux : il styla quelques jolis articles bien aiguisés et bien méchants, et, pour les envoyer à leur véritable adresse de notes fines et spirituelles, il les fit jeter dans la bouche de fer du Nain Jaune. Il est bien entendu qu’il gardait l’anonyme, mais avec le vif désir que son esprit le trahît tout d’abord et fît dire : « Voilà qui est bien méchant : ce doit être du roi. »

» M. Merle, qui dirigeait alors le Nain jaune, en compagnie de M. Cauchois-Lemaire, nous a révélé le secret de cette collaboration de Louis XVIII, dans l’un des trop rares fragments qu’il a publiés de ses Trente ans de souvenirs historiques, littéraires et politiques : « La pensée du Nain jaune, écrit-il, fut de nous moquer des ridicules de tous les partis, de flétrir toutes les lâchetés et toutes les défections, de relever la gloire de la France en présence des baïonnettes étrangères, et de rire aux dépens des prétentions exagérées… Dans ces attaques, nous avions pour auxiliaire Louis XVIII, qui fut un de nos premiers abonnés, qui lisait avec empressement tous nos numéros, qui en riait de bon cœur, et qui nous envoya plusieurs fois des articles très bien tournés, fort spirituels et passablement malins, écrits de sa main royale, et dont il nous fut aisé de reconnaître l’auteur, en comparant l’écriture à celle des notes qu’il nous avait fait remettre par M. de Talleyrand pour les lettres du Cousin et de la Cousine. Ces articles nous arrivaient par la bouche de fer : nous avions donné ce nom à une botte que nous avions fait placer à la porte du cabinet littéraire de M. Cauchois-Lemaire ; par cette voie, nous avons reçu une foule d’articles très remarquables, qui donnaient une