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Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/190

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spéculation, il faut avouer que ce fut une spéculation bien entendue ; disons mieux, si jamais innovation eut sa raison d’être, ce fut celle-là : la transformation du journalisme répondait à une véritable nécessité. L’extension du principe électif dans la triple sphère de l’état, du département, de la commune, l’organisation armée de trois millions de citoyens chargés, sous des chefs de leur choix, de veiller à la garde de la constitution, de l’ordre et de la liberté, semblaient exiger un progrès parallèle de l’enseignement politique, dont la presse est l’instrument.

On comprendra cependant que l’ancienne presse ne vît pas d’un bon œil une révolution qui la menaçait dans son existence. Il n’y eut qu’une voix pour critiquer les calculs du fondateur de la Presse et contester ses prévisions. Une vive polémique s’établit à ce sujet ; tous les journaux furent unanimes pour combattre l’innovation et la déclarer impossible ; le doute se passionna, la discussion alla jusqu’à l’injure, jusqu’au duel même. Et chose étrange ! ce fut le Bon Sens, journal démocratique, que l’on vit à la tête de ce mouvement, dans lequel se laissa fatalement entraîner Armand Carrel, qui crut ne pouvoir pas rester spectateur impassible d’une querelle commencée par un journal de son parti.

Il est à remarquer que l’opinion ne se trompait pas alors sur l’auteur de cette révolution ; ce n’est pas à M. Dutacq qu’on s’attaque, c’est à M. de Girardin ; c’est la Presse seule qui porte tout le poids de la lutte. M. Dutacq, d’ailleurs, s’efface aussitôt derrière le Siècle, et au moyen d’adhésions recueillies dans la gauche et le centre gauche, il a l’habileté de rendre l’opposition en corps solidaire de la moralité de l’entreprise. Au contraire, M. de Girardin, dès le