Aller au contenu

Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou au ministre, le journal des cultes : au professeur, le journal de l’instruction publique ; au littérateur, le journal littéraire ; au savant, le journal des sciences. Eh bien ! la Presse a publié, le 1er juin 1837, le plan d’une Presse universelle qui a été véritablement le point de départ de l’Époque. (Nous en parlerons tout à l’heure.)

» M. de Girardin n’a plus la moindre intelligence des journaux, s’il croit un seul mot de l’article ridicule publié aujourd’hui par la Presse. Et il faut bien, en effet, que la Presse soit pour lui la dernière limite de sa science, car il n’a pas eu les yeux dessillés par un fait considérable qu’il a lui-même aidé à produire. Ce fait, c’est le feuilleton.

» Que prouve le succès immense du feuilleton des journaux quotidiens ? Il prouve qu’à côté des lecteurs politiques, dont le nombre est limité, il y a tout un monde nouveau de lecteurs littéraires, qui ont triplé le personnel des anciens abonnés. Eh bien ! après avoir dû leur succès à des abonnés spéciaux, à des abonnés non politiques, les prétendus grands-prêtres du journalisme n’ont pas compris qu’il fallait continuer à chercher des lecteurs à côté de la politique ; et, après avoir réussi par un journal littéraire, réussir encore par un journal des tribunaux, par un journal commercial et agricole, par un journal de l’armée et de la flotte, par un journal des cultes, par un journal des sciences, enfin par tous les journaux spéciaux qui répondent à des professions et à des besoins.

» Non, la politique ne suffit plus aux journaux à bon marché, qui ont besoin de se sauver par les annonces, et qui ne peuvent pas avoir des annonces considérables sans un très grand nombre d’abonnés. C’est pour cela qu’à côté de la politique, laquelle est d’ailleurs devenue fort creuse, il faut placer toutes les matières qui font le sujet d’une publication spéciale, et envoyer en quelque sorte à chaque abonné, sans augmentation de prix, un cabinet de lecture à domicile. En présence de dix journaux, on n’est pas obligé de tout lire, comme, à un dîner à trois services, on n’est pas obligé de tout