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INTRODUCTION

quo, au lieu de discours judicieux et vraisemblables ; cet abus a obligé les présidents de tous les bureaux établis pour le débit et l’entretien des nouvelles du temps de convoquer une assemblée générale pour convenir ensemble et authentiquement des moyens de remédier à un tel abus.

 » Mais la plus grande difficulté fut de s’ajuster sur le lieu et la manière de s’assembler, car les nouvellistes des Tuileries prétendaient que tous les autres devaient s’y rendre et leur céder la préséance, à cause que c’était la maison du roi. Le président du Luxembourg soutint qu’elle lui appartenait d’ancienneté, et à cause du bon air qui fait ordinairement la substance des partisans de nouveautés. Mais celui du Palais-Royal disputa à tous le premier rang, par la raison que son fondateur avait été le plus grand politique de son siècle. Le président du cloître des Grands-Augustins le voulut emporter de haute lutte. Il proposa, pour soutenir son droit, toutes les boutiques qui en dépendent, dans lesquelles on faisait une continuelle lecture de toutes les gazettes qui s’impriment dans l’Europe : de sorte qu’on devait regarder ce lieu célèbre comme le tronc copieux de toutes les nouvelles, et dont les branches s’étendent et fleurissent dans tous les autres bureaux. Néanmoins le président des Célestins s’y opposa formellement, sous prétexte que leur jardin était, par privilége, destiné pour les nouvellistes de distinction, et qu’aucune autre personne n’avait la liberté d’y entrer ; il avança que de tout temps les plus habiles politiques en avaient fait leur centre, témoin Antoine Perez, secrétaire d’État des dépêches universelles de Philippe II, roi d’Espagne, lequel, s’étant réfugié en France, conçut tant d’inclination pour ce couvent, qu’il voulut qu’après sa mort on l’enterrât dans le cloître, où l’on voit encore son épitaphe, qui doit imprimer un vrai respect dans l’esprit des savants nouvellistes.

 » Ceux du Palais, qui ne sont nourris que d’un lait qui ne saurait jamais se cailler, formèrent empêchement à la prétention de tous les autres, et même au dessein qu’ils avaient de travailler à la réforme. Ils alléguaient pour moyen le long usage où ils étaient de parler de tout sans règle et sans connaissance, en soutenant