Aller au contenu

Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mois le public de la plupart des ouvrages qui paraissaient dans l’Europe[1]. Il s’acquitta de cette mission délicate avec une conscience et une habileté incontestables. À une époque où la critique naissait à peine, où les journaux savants, créés de la veille, étaient hérissés de longues et lourdes dissertations, faites pour effrayer les lecteurs les plus intrépides, on fut charmé de ces analyses sobres, rapides, claires, bienveillantes, de ce talent, que peu d’hommes ont possédé, même depuis, dans l’art d’exprimer et de résumer les idées d’autrui.

La modération, ou, si l’on veut, la timidité impartiale de ses jugements, acheva de lui concilier la faveur et la confiance de l’opinion. Son journal fut tout d’abord accueilli avec la plus grande faveur et lu avec une extrême avidité. « Tout est vif et animé dans les extraits de Bayle, dit un autre journaliste[2] ; il a l’art d’égayer ses matières et de renfermer en peu de mots l’idée d’un livre, sans fatiguer le lecteur par un mauvais choix ou par de froides ou ennuyeuses réflexions. Il était sage et retenu dans ses jugements, ne voulant ni choquer les auteurs, ni se commettre en prostituant les louanges. » — « Il était bien rare, ajoute Vigneul-

  1. Une remarque à faire, parce qu’elle a son importance, comme on le verra bientôt, c’est qu’il n’est guère question dans la feuille de Bayle que de livres latins et français, et d’un petit nombre d’anglais ; il n’y est rendu compte d’aucun ouvrage allemand ou espagnol, et seulement de deux italiens, et encore n’en dit-il autre chose que ce qu’on lui en avait mandé.
  2. Basnage, dans la préface de l’Histoire des Ouvrages des Savants.