Aller au contenu

Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/327

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ques-unes n’étaient guère que des catalogues, où dans tous les cas la critique n’avait rien à voir, quelques beaux semblants qu’elles revêtissent. La faculté critique est assurément une des facultés les moins communes ; outre une organisation spéciale, le métier de critique demande de patientes et longues études, des connaissances presque universelles, une grande expérience et un grand sens. « Le bon jugement littéraire, a dit M. Joubert, est une faculté très-lente, et qui n’atteint que fort tard le dernier point de son accroissement. » Mais on savait dès ce temps-là se passer de tout ce bagage ; alors comme aujourd’hui les éditeurs avaient à leur disposition un troupeau de faiseurs imberbes qui n’auraient pas su coudre ensemble deux idées, mais qui n’hésitaient pas à s’ériger en juges et se donnaient des grands airs d’aristarques, écrivains affamés, qui, suivant la singulière expression de Delisle de Sales, « dînaient d’une analyse, et s’habillaient d’une satire à la manufacture des jugements périodiques. » Si aux produits de ces manufactures du mercantilisme on ajoute ceux non moins frelatés de la concurrence[1], on comprendra que les hommes véritablement capables se soient éloignés d’une carrière ainsi déshonorée.

  1. « Il paraît aujourd’hui, dit le marquis d’Argenson dans ses Mémoires (Bibliothèque elzévirienne, v, 170), plus de journaux critiques que de livres nouveaux. La satire mâche à vide, mais mâche toujours. »