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Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/368

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titre il pouvait bien ou mal juger ses pairs ; il donnait des gages à ses nombreux ennemis, et on pouvait user envers ce forban du droit de représailles… »

Desfontaines sut, un des premiers, éviter dans ses critiques et la froide sécheresse de l’analyse et la fastidieuse abondance d’une érudition pédantesque. Il joignait à la connaissance des anciens cette finesse de tact qui saisit rapidement les beautés et les défauts d’un ouvrage. Il eut sans doute le tort inexcusable d’écouter trop souvent, à l’égard de certains auteurs, ses préventions et ses ressentiments secrets ; toutefois on peut dire qu’en général il fit une guerre salutaire aux mauvais écrivains de son temps, qu’il entretint le goût des bonnes études, combattit avec succès plusieurs opinions dangereuses, et concourut autant qu’il était en lui à prévenir la décadence des lettres. Malgré la haine des auteurs et des libraires, malgré les susceptibilités du gouvernement, il s’était créé dans la littérature un département dont il était l’âme et le chef. Doué d’une âme forte, il avait compris toutes les conséquences, mauvaises ou favorables, de ce rôle, et il les subissait avec calme et gaîté. C’est lui qui écrivait à l’abbé Prévost, au sujet de sa traduction des Lettres de Cicéron : « Je fais cas de votre ouvrage, j’en ferai un extrait comme il faut. Vous me pardonnerez bien si j’y fais quelques remarques