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Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/385

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Suit l’examen du poëme, dont Fréron fait ressortir toutes les pauvretés ; puis il termine ainsi :


Qu’on ne dise donc plus que les paroles de ce ballet sont d’autant plus consolantes pour M. de Cahusac[1] qu’elles viennent du premier génie du siècle. Quand bien même elles seraient indignes de M. de Voltaire, n’a-t-il donc pas la prérogative des héros, qui par la multitude de leur hauts faits ont acquis le droit de faillir ? Quoique notre poète ne soit pas encore introduit dans le temple privilégié des immortels beaux-esprits, ses succès brillants et ses nombreux lauriers lui donnent assurément le droit de faire désormais de mauvais ouvrages. On sait d’ailleurs qu’il n’a jamais été heureux dans la structure de ses temples. Je lui en connais quatre, savoir : les Temples du Goût, de la Gloire, du Bonheur et de l’Amitié[2]. Le dessin de ce dernier est plus régulier ; l’architecture en est même légère et délicate. Si j’osais, je proposerais à l’auteur d’en construire un cinquième, le Temple de l’Amour-propre[3].


C’était aussi spirituel que méchant. Il semblerait que Voltaire, là-dessus, eût dû éclater. Mais non ; soit qu’il eût résolu de ne plus se commettre avec des folliculaires, soit qu’il jugeât prudent de laisser tomber cette attaque pour ne pas s’en attirer de plus vives, il se borna à lancer contre son adversaire des épigrammes sournoises que ses amis livraient à la publicité, à le déchirer dans ses correspondances, à le couvrir de boue, à entasser sur son compte les plus odieuses calomnies : l’injure, la

  1. Auteur de quelques mauvais opéras.
  2. Le goût malheureux de Voltaire pour ces édifices poétiques lui avait valu le surnom de Templier.
  3. Opuscules, t. II, lettre 13.