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Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/388

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on ferait grâce aux travers de son esprit et aux vices de son cœur.


Le bruit que fit ce portrait « dicté par Mégère », et dont, au témoignage de Delisle de Sales, on répandit une foule de copies manuscrites dans la capitale, prouve assez combien il était ressemblant : « le nom de Voltaire n’y était pas ; mais l’énigme portait son nom avec elle. » Il était évidemment de l’intérêt de Voltaire, de sa gloire peut-être, de ne pas justifier les interprétations malignes du public en les prenant pour soi. Il aima mieux avouer en quelque sorte la ressemblance et satisfaire son ressentiment. Comme il n’était pas alors à Paris, il mit en campagne sa nièce, Madame Denis, qui « frappa à toutes les portes ministérielles, et obtint la suppression momentanée du journal, ainsi que le châtiment sévère du journaliste. » Tant il est vrai que toute vérité n’est pas bonne à dire, surtout aux puissances[1].

« Dans l’intervalle, continue Delisle, Thiriot, le correspondant du grand Frédéric, que Voltaire appelait plaisamment son thuriféraire, négocia avec Fréron lui-même pour qu’il rétractât sa diatribe. Le

  1. On fit courir à ce sujet une épigramme dont nous nous bornerons à citer le trait final. À la solliciteuse qui lui demande vengeance :
    Mais, dit le chef de notre librairie,
    Notre Aristarque a peint de fantaisie
    Ce monstre en l’air que vous réalisez.
    — Ce monstre en l’air ! Votre erreur est extrême,
    Reprend la nièce. Eh ! Monseigneur, lisez :
    Ce monstre-là, c’est mon oncle lui-même.