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Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/407

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délire d’amour-propre, jusqu’à écrire par allusion à ce nom vénéré : « Le nom de Fréron est sans doute celui du dernier des hommes ; mais celui de son protecteur serait à coup sûr l’avant-dernier. » À l’entendre M. de Malesherbes avilit la littérature ; il fait entrer dans ses calculs de budget le produit des infamies de Fréron ; il aime le chamaillis. » Lui, M. de Malesherbes, accusé par Voltaire d’aimer le chamaillis ! La plume s’arrête à transcrire de telles injures. Mais que Malesherbes quitte la direction de la librairie, alors Voltaire, ramené au sang-froid et à des sentiments plus justes, écrira à d’Argental (14 oct. 1763) : « M. de Malesherbes n’avait pas laissé de rendre service à l’esprit humain en donnant à la presse plus de liberté qu’elle n’en a jamais eu. Nous étions déjà à moitié chemin des Anglais… » De tels rapprochements sont toute une histoire, tout le portrait d’un homme ; que-dis-je ? le portrait plus ou moins de tous les hommes[1].


Une autre fois c’est d’Alembert qui prenait Malesherbes en quelque sorte à partie à propos des attaques de Fréron, se plaignant à lui avec une aigreur des plus vives d’être sacrifié au journaliste. Voici une de ces lettres de d’Alembert, qui, voulant toute liberté et toute licence pour lui, n’en souffrait aucune chez les autres (23 janvier 1758) :

  1. Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, t. II, p. 404 et suiv.