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idée de faire un conte. Après avoir passé la nuit, sans fermer l’œil, à rouler dans ma tête le sujet de celui que j’ai intitulé Alcibiade, je me levai, je l’écrivis tout d’une haleine, au courant de la plume, et je l’envoyai. Ce conte eut un succès inespéré. J’avais exigé l’anonyme. On ne savait à qui l’attribuer, et, au dîner d’Helvétius, où étaient les plus fins connaisseurs, on me fit l’honneur de le croire de Voltaire ou de Montesquieu.

« Boissy, comblé de joie de l’accroissement que cette nouveauté avait donné au débit du Mercure, redoubla de prières pour obtenir de moi encore quelques morceaux du même genre. Je fis pour lui le conte de Soliman II, ensuite celui du Scrupule, et quelques autres encore. Telle fut l’origine de ces Contes moraux qui ont eu depuis tant de vogue en Europe. Boissy me fit par là plus de bien à moi-même que je ne lui en avais fait ; mais il ne jouit pas longtemps de sa fortune ; et, à sa mort, lorsqu’il fallut le remplacer : « Sire, dit madame de Pompadour au roi, ne donnerez-vous pas le Mercure à celui qui l’a soutenu ? Le brevet m’en fut accordé. »

« On voulait, dit l’abbé Morellet dans son éloge de Marmontel, faire du privilége du Mercure, l’un de nos plus anciens journaux, un fonds sur lequel seraient établies des pensions pour un nombre de gens de lettres. Il était de l’intérêt de tous que ce fonds fût porté à toute sa valeur, et c’est à quoi