Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 3.djvu/335

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qu’il lui est tout au plus permis de pressentir les décisions du public et d’en laisser apercevoir les motifs ; qu’il prévarique s’il hasarde légèrement une opinion ; qu’il devient très-criminel s’il y joint l’outrage, et que les lois devraient le soumettre aux peines les plus sévères quand il s’oublie jusqu’à adopter la calomnie.

Dans la politique exactitude et clarté, impartialité et modestie dans la littérature : voilà, suivant lui, le caractère d’un vrai journal, d’un journal capable d’honorer son auteur. Il prend sans crainte et sans regret, avec le public, l’engagement de ne pas souffrir que celui-ci en porte un autre.


Pendant quelques mois Linguet sut se contenir dans les bornes d’une discussion impartiale et modérée ; mais bientôt, emporté par sa verve batailleuse, par son naturel insolent et caustique, il s’attaqua à tout ce qu’il y avait de puissant à Paris ; ministres, parlements, philosophes, il n’épargna à aucun ou sa critique audacieusement frondeuse, ou ce mépris satirique que sa plume savait jeter à la tête de ses adversaires sous les formes les plus piquantes. Assurément, dit M. Sayous[1], il y avait beaucoup à dire sur la société telle qu’elle était alors, sur la conduite et les maximes des hommes en place, et tout particulièrement sur le despotisme croissant des gens de lettres inféodés au parti de l’encyclopédie ; Linguet sans doute avait souvent le tort d’avoir trop raison ; mais il y joignait celui d’aimer encore plus la médisance que la vérité, et de préférer en toute rencontre la satisfaction de faire une blessure à celle de redresser une erreur.

  1. Mémoires et Correspondance de Mollet du Pan.