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ments libres, et nommément de celui de la Grande-Bretagne, Me Linguet enfin, par une suite de cette inconséquence dont il ne s’est jamais départi, vient de fixer sa résidence, non pas à Ispahan, mais à Londres. Le premier pamphlet qu’ait exhalé sa colère dans ce nouvel asile est une Lettre à M. le comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères en France, avec cette épigraphe : Insula portum efficit (Virgile). »

Je regrette que la place me manque pour citer cette lettre « monument d’extravagance et d’amour-propre », aussi remarquable d’ailleurs par l’énergie du style que par l’insolence et la hardiesse du ton. En voici le début, où Linguet se révèle tout entier :


Un homme public aussi publiquement, aussi indignement opprimé que je le suis depuis trois ans, réduit à prendre enfin, pour sa sûreté personnelle, la résolution extrême de s’expatrier, doit compte au public de ses motifs ; il doit mettre les contemporains et la postérité entre lui et ses persécuteurs ; il doit les citer à ce tribunal indépendant de toutes les puissances et que toutes les puissances respectent, à ce tribunal à qui l’on parle par la voie de l’impression, comme l’a dit, dans un discours d’appareil, un des plus vertueux, et par conséquent un des plus inutiles ministres qui aient existé[1].

Il m’importe d’apprendre aux Anglais, en arrivant chez eux, que je ne suis conduit ni par la cupidité, qui corrompt les âmes, ni par le besoin, qui les énerve. Garanti de l’une par mon caractère, et de l’autre par l’habitude prise de bonne heure de vivre avec peu, je suis au-dessus de l’espérance comme de la crainte.

  1. M. de Malesherbes, dans son discours de réception à l’Académie française.