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encore un pas à faire pour que cette maxime puisse être réputée vraie dans les siens.

Quelle que doive, au reste, Sire, être la date de cette réforme, je l’attendrai sans impatience comme sans découragement. Je trouverai la consolation de mes maux particuliers dans la gloire de mon pays : les délais de la justice qui m’est due me sembleront moins pénibles en voyant celle que la sage conduite de Votre Majesté force l’Europe de rendre à la France.

Quelle époque que celle-ci pour notre nation, toujours noble, toujours brave, toujours jalouse, mais si souvent humiliée par la faute de ses chefs ! On consulterait en vain nos fastes pour en trouver une où le peuple ait eu plus à se louer de son roi, et le roi, j’ose le dire, de son peuple.

Charlemagne rendit le nom français redoutable ; il décora son trône d’un titre qui ne redevint illustre que parce qu’il ne dédaigna pas de le porter. Il pressa l’Europe depuis le Tibre jusqu’au Veser ; mais son épée, toujours tirée, fut toujours sanglante : son immense domination n’eut pas d’autre soutien et ce sceptre des héros ne fut jamais le gage du bonheur des sujets.

Philippe-Auguste, Charles-le-Sage, se distinguèrent, l’un par sa valeur, l’autre par sa politique ; mais ils vivaient dans des siècles affaiblis et déshonorés par la féodalité. Leurs talents purent à peine se montrer au milieu de cette anarchie barbare, qui donnait aux rois autant de rivaux et au peuple autant de tyrans qu’un État renfermait d’hommes audacieux. Ils firent seulement entrevoir ce que pourrait être un roi de France, avec une âme ferme, un esprit juste, et la confiance de sa nation.

Charles VIII et François Ier eurent des moments brillants ; mais cette splendeur éprouva des éclipses aussi rapides que douloureuses. Les conquêtes du premier, évanouies avant que d’être achevées, ne lui laissèrent, avec une couronne chimérique, que la honte d’avoir été successivement le complice et le jouet du plus abominable des hommes. Sous le second, le triomphe momentané de Marignan fut bientôt flétri par l’opprobre ineffaçable de Pavie, opprobre d’autant plus accablant qu’il n’était pas possible d’en accuser la fortune.