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Voici en quels termes l’abbé de La Porte annonçait lui-même sa retraite ; on trouve l’homme tout entier dans cette sorte de testament :


Captivé presque entièrement par d’autres occupations littéraires, je me vois contraint d’abandonner ce genre de travail périodique, et de discontinuer mes feuilles pour toujours. Je n’avais jamais prétendu m’y astreindre uniquement. Il est bon de s’en être occupé quelque temps, eu égard aux connaissances littéraires qui en résultent, par la nécessité où l’on s’est vu de lire beaucoup, de lire méthodiquement, et d’apprécier toutes sortes d’ouvrages. C’est, selon moi, l’avantage le plus réel qu’il puisse procurer, quand on le veut bien faire : car nulle sorte de travail n’est d’ailleurs plus assujettissante, plus fertile en dégoûts, ne dérobe plus de temps, n’exige plus d’assiduité, et surtout plus de précautions pour ne pas déplaire, ou au public en louant avec excès, ou aux auteurs, qui ne se croient jamais assez loués. Il faut rendre une justice exacte, moyen presque sûr de faire presque toujours des mécontents.

Comme j’ai tâché de m’acquitter de cet emploi avec toute l’honnêteté dont il est susceptible, j’ai lieu de croire que les véritables gens de lettres n’ont point à se plaindre. Je n’ai cherché ni à avilir nos grands écrivains, ni à trop mortifier les auteurs médiocres ; et quand il a fallu relever des fautes, je me suis appliqué à le faire avec cette modération, ces égards qui adoucissent la critique. Si je n’ai pas toujours réussi, du moins puis-je assurer que l’humeur, la haine, l’esprit de parti, etc., n’ont jamais conduit ma plume. C’est beaucoup d’avoir fait un pareil métier durant quinze ans, critiqué plus de deux mille auteurs, analysé plus de trois mille ouvrages, sans se voir chargé de l’espèce d’opprobre que la prévention y attache ; opprobre, il est vrai, trop mérité par certains périodistes, qui dégradent, qui avilissent ce genre, et révoltent tout homme de goût, tout honnête homme, par l’ineptie ou la partialité de leurs décisions.

Heureusement cette carrière ne reste pas uniquement en proie