Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 4, 1860.djvu/446

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Je regarde donc, Messieurs, comme le devoir le plus essentiel de l’honorable mission dont vous m’avez chargé, celui de vous prémunir contre ces coupables manœuvres : on doit voir que leur règne est fini, qu’il est temps de prendre une autre allure ; ou, s’il est vrai que l’on n’ait assemblé la nation que pour consommer avec plus de facilité le crime de sa mort politique et morale, que ce ne soit pas du moins en affectant de vouloir la régénérer. Que la tyrannie se montre avec franchise, et nous verrons alors si nous devons nous roidir ou nous envelopper la tête.

Je continue le journal des États-Généraux, dont les deux premières séances sont fidèlement peintes, quoique avec trop peu de détails, dans les deux numéros qui viennent d’être supprimés, et que j’ai l’honneur de vous faire passer.


On voit que Mirabeau ne cachait pas son jeu. Le ministère recula devant une lutte dangereuse, et la presse fut ainsi affranchie de fait avant de l’être en droit.

Il serait difficile aujourd’hui de se faire une juste idée de l’effet que produisit cette mâle protestation de Mirabeau. C’était la première fois qu’un écrivain luttait ouvertement avec l’autorité ; c’était aussi la première fois qu’un journaliste revendiquait avec cette hardiesse les droits de la nation et la liberté de la presse. Aussi le premier numéro des Lettres eut-il un immense succès. Cette correspondance prit bientôt un grand développement. Mirabeau y rendait un compte exact de ce qui se passait dans l’Assemblée, et l’assaisonnait de ses réflexions, de ses critiques, de ses éloges, de ses conseils. Il y reproduisait les motions importantes, les discours re-