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Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 4.djvu/6

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les premiers rangs seuls possédaient considération et aisance, tandis que tout le reste se débattait contre la misère. « Académies, musées, lycées, pernicieux établissements, s’écrie l’austère publiciste, qui multiplient la manie d’écrire et les auteurs ! Paris est plein de jeunes gens qui prennent quelque facilité pour du talent ; de clercs, commis, avocats, militaires, qui se font auteurs, meurent de faim, mendient même, et font des brochures. »

Tout le monde ne partagera pas assurément l’opinion de l’écrivain genevois sur ces pernicieux établissements qu’il anathématise ; mais on ne saurait méconnaître ce qu’un pareil état de choses avait d’anormal, et il faut bien compter cette population de demi-lettrés faméliques au nombre des causes qui ont indirectement contribué à la démoralisation des caractères dans la seconde moitié du dernier siècle : la nécessité de vivre, et la difficulté de le faire honorablement avec un talent médiocre, ou même absolument nul, portaient cette énorme masse d’écrivailleurs à des extrémités avilissantes.

Le gouvernement n’était pas sans voir le mal, mais il croyait y remédier par l’asservissement. La plupart même des ministres poussaient à cette dégradation du métier d’écrire, en payant des brochuriers à leur service, et offrant l’appât de gratifications extraordinaires à la complaisance des écrivains en renom. « Un certain nombre de gens de lettres