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sérieuse de nos préoccupations intellectuelles et morales ; et s’il était vrai que cette très brillante comédie romanesque « ouvrit le xxe siècle », c’est donc que le xxe siècle serait condamné à quelque rabâchage…

… Les vers de M. Edmond Rostand étincellent de joie. La souplesse en est incomparable. C’est quelquefois (et je ne m’en plains pas) virtuosité pure, art de mettre en vers n’importe quoi, spirituelles prouesses et « réussites » de versification ; mais c’est, plus souvent, une belle ivresse de couleurs et d’images, une poésie ensoleillée de poète méridional, si méridional qu’il en paraît presque persan ou indou. Des gens difficiles ont voulu relever dans ses vers des négligences et de l’à-peu-près. Je n’en ai point vu autant qu’ils l’ont dit ; d’ailleurs cela échappe à l’audition, et, au surplus, tout est sauvé par le mouvement et par la grâce. M. Rostand a continuellement des métaphores et des comparaisons « inventées », d’une affectation savoureuse et d’un « mauvais goût » délectable ; il parle le plus naturellement du monde le langage des précieux et celui des burlesques, qui est le même dans son fond ; et ce qui m’avait offensé dans la Samaritaine me ravit ici par son étroite convenance avec le sujet… »

(Revue des Deux-Mondes, du 1er Février 1898).


De M. Émile Faguet (l’Aiglon).

« L’Aiglon, drame en six actes et trente monologues, m’a surtout furieusement ennuyé. Il a fait sur moi d’autres impressions ; mais il m’a surtout furieusement ennuyé. Ça lui est bien égal ; car il a eu un succès de tous les diables ; mais il m’a furieusement ennuyé, et je ne puis pas en dire autre chose que ce que j’en pense.

C’est le drame-consignes par excellence. Prenez dans l’histoire du premier Empire tout ce qui peut prêter matière à des développements ; prenez surtout ce qui est le plus vulgaire, le plus rebattu et le plus commun, l’aigle, les abeilles, les violettes, le petit chapeau, la Légion d’honneur, l’étoile des braves, le drapeau tricolore ; n’en manquez pas un ; et de chacun de ces motifs faites un discours d’après tous les procédés de la rhé