Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/129

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date-t-il d’hier… Elle me rend ma jeunesse… Suis-je donc jeune, en effet ?… Ou bien ce souvenir est étrangement distinct, ou bien cette impression est étrangement vague… Mais que de bonté chez cette jeune fille !… Merci encore, et merci toujours ! »

Depuis qu’il s’était assis à la table du déjeuner, Clifford n’avait pas encore paru sous un jour aussi favorable ni joui d’une satisfaction aussi complète. Peut-être se serait-elle prolongée si ses yeux n’étaient tombés par hasard, peu d’instants après, sur le visage du vieux Puritain qui, du fond de son cadre enfumé, de sa toile ternie par le temps, contemplait cette scène en vrai fantôme de mauvaise humeur. S’adressant à Hepzibah sur ce ton d’impatience qui trahit l’irritabilité privilégiée d’une idole de famille, et lui faisant de la main un geste significatif :

« Hepzibah ! Hepzibah ! s’écria-t-il — avec assez de force et de netteté cette fois, — pourquoi cet odieux portrait demeure-t-il accroché au mur ?… Je reconnais bien là votre goût !… Mille fois pour une, je vous ai dit que c’était là le mauvais génie de la maison, et mon mauvais génie en particulier… Enlevez-le donc, et tout de suite !

— Vous savez bien, cher Clifford, dit Hepzibah, que ce que vous me demandez là est impossible.

— Alors, reprit-il, toujours avec une certaine énergie, recouvrez-le donc de quelque rideau rouge assez large pour former de beaux plis, avec un galon et des glands d’or… Je ne puis, je ne puis supporter son fixe regard !

— À la bonne heure, cher Clifford ; nous recouvrirons le portrait, dit Hepzibah d’un ton conciliant… Il y a précisément là-haut, dans une malle, un rideau