Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/140

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maladroit, — elle persistait à garder une certaine réserve, fort peu d’accord avec sa franche et loyale nature. Malgré qu’elle en eût, il lui semblait que le grand Puritain, héros de tant de traditions funèbres, — le père de tous les Pyncheon d’Amérique, le fondateur de la Maison aux Sept Pignons, et que cette maison avait vu périr d’une façon si étrange, — venait d’entrer dans le magasin. Le costume, il est vrai, n’était pas le même, mais quoi de plus simple ?… En arrivant de l’autre monde, il était entré chez un barbier qui avait métamorphosé la toison puritaine en une paire de favoris grisonnants ; puis, dans un de ces bazars de « confection » où cinq minutes suffisent pour habiller un homme de pied en cap, il avait échangé le pourpoint de velours, le manteau fourré, le riche rabat sur lequel son menton reposait, contre une cravate blanche, avec l’habit, veste et culotte des temps modernes ; — après quoi, déposant son épée à poignée d’acier pour prendre une canne à pomme d’or, le colonel Pyncheon d’il y a deux siècles était sorti de là transformé en juge de notre temps.

Phœbé avait trop d’esprit et de bon sens pour accepter cette idée autrement que comme une plaisanterie. D’ailleurs, si elle avait eu sous les yeux, en même temps, les deux personnages, elle aurait constaté, nonobstant une ressemblance générale, des différences de détail fort essentielles ; un moindre volume de muscles chez notre contemporain que chez son ancêtre ; — une atténuation de couleurs, résultat inévitable de l’effet produit par le climat Américain sur les enfants rougeauds de la vieille Angleterre ; — une susceptibilité nerveuse plus grande, communiquant à la