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Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/161

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bas monde, et l’univers n’avait certes aucun besoin de lui ; mais puisqu’il le respirait, cet air, il eût fallu perpétuer autour de lui les brises les plus parfumées de l’été le plus tiède. C’est là une perplexité qui nous est toujours venue, en songeant à ces natures d’élite appelées à faire du Beau leur pâture exclusive, — si prodigue que soit d’ailleurs la Mansuétude divine à leur égard, et si largement douées qu’on les voie, de tout ce qui devrait aplanir sous leurs pas les aspérités de la vie.

Il est fort probable que Phœbé n’avait qu’une notion fort imparfaite du caractère sur lequel sa présence jetait un charme si bienfaisant. Et il n’était pas nécessaire qu’elle le connût mieux. Le feu de l’âtre égaye tout un demi cercle de visages groupés autour de lui, sans distinguer l’individualité d’un seul d’entre eux. Il y avait, dans les traits de Clifford, quelque chose de trop délicat, de trop poétique pour être parfaitement apprécié par une personne aussi positive que Phœbé. Quant à Clifford, c’était précisément le réalisme, la simplicité, l’intégrité candide de cette jeune fille, qui exerçaient sur lui l’ascendant le plus victorieux. À la vérité, il fallait en même temps qu’elle fût belle, et d’une beauté presque parfaite dans son genre. Avec des traits grossiers, des formes irrégulières, une voix désagréable, des façons maladroites, elle aurait pu posséder toutes les qualités morales que nous lui connaissons, et déplaire à Clifford par ces défectuosités accessoires. Mais rien de plus beau que Phœbé, — c’est-à-dire, entendons-nous, rien de plus joli. Et pour cet homme dont la vie n’avait été qu’un rêve fâcheux, jusqu’au moment où son cœur et son imagination s’étaient trouvés amortis en lui ; — pour ce prisonnier soli-