non dans le nid ordinaire, il était trop précieux pour l’y laisser exposé à tous les hasards, — mais sournoisement caché sous les groseillers et déposé sur quelques tiges sèches des gazons de l’année précédente. Instruite de cet incident, Hepzibah s’empara de l’œuf et le servit à Clifford pour son déjeuner, — voulant, disait-elle, lui faire apprécier une certaine délicatesse de goût qui de tout temps avait fait à ces œufs une réputation méritée. C’est ainsi que, le fanatisme fraternel imposant silence à ses scrupules, la vieille demoiselle risquait de voir s’éteindre une ancienne race, et la sacrifiait au désir de présenter à son frère une friandise contenue toute entière dans une cuillère à café !
Nous insistons sans doute un peu trop sur ces menus incidents, sur ces joies puériles ; notre excuse, c’est le profit moral que Clifford en retirait. Imprégnés pour ainsi dire d’une saine odeur terrestre, ils contribuaient puissamment à consolider son être, à lui rendre la santé. Par malheur, il avait d’autres passe-temps moins appropriés aux besoins de sa situation. Entre autres, la singulière propension qui l’attirait sans cesse vers la source de Maule, et lui faisait étudier avec une application morbide la changeante fantasmagorie produite par le perpétuel mouvement des eaux sur les cailloux de couleur qui formaient, au-dessous d’elles, une espèce de mosaïque. Il prétendait y voir de beaux visages souriants qui lui adressaient leurs regards les plus doux, — apparitions éphémères dont chacune, en s’effaçant, lui léguait un véritable regret, un vif désir de voir se reformer une de ces créations fantastiques, une de ces images couleur de rose. Mais parfois il s’écriait tout à coup, se plaignant d’être contemplé