il avait raison ; mais il se trompait en supposant que le siècle présent, — par préférence à n’importe lequel des siècles passés ou des siècles futurs, — est destiné à voir les haillons d’autrefois tout à coup changés en un vêtement neuf, au lieu de se renouveler graduellement par pièces et morceaux. Il se trompait encore en mesurant cette interminable métamorphose à la courte durée de sa petite existence ; — il se trompait surtout en supposant que son hostilité ou son concours pût importer le moins du monde à l’accomplissement de ces grandes fins. Mieux valait pourtant qu’il pensât ainsi. Cet enthousiasme, auquel le calme de son caractère donnait les dehors de la réflexion et de la sagesse, devait maintenir la pureté de ses jeunes années, la hauteur de ses aspirations. Et lorsque plus tard une expérience inévitable viendrait modifier sa foi primitive, ce serait sans amener dans ses sentiments une révolution soudaine et cruelle. — Il continuerait à croire aux destinées toujours plus brillantes de ses semblables, et ne les aimerait peut-être que mieux en les voyant si impuissants à s’émanciper eux-mêmes. — Les efforts humains en effet, si bien qu’ils soient dirigés, ne réalisent jamais qu’une espèce de rêve. À Dieu seul l’élaboration complète des réalités.
Avec mille nobles ambitions — auxquelles ne demeurait pas étrangère la volonté de devenir quelque chose, — avec cette culture incomplète, cette philosophie ébauchée et pleine de brouillards, ce zèle magnanime pour le bien-être de l’homme, et le profond mépris de tout ce que les âges antérieurs ont pu faire dans l’intérêt de ce bien-être ; bref, par tout ce qu’il avait et tout ce qui lui manquait, notre artiste aurait pu