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Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/26

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ce naturel à part qui marque un homme pour les emplois publics, il avait obtenu, depuis déjà bien des années, dans quelque tribunal inférieur, un grade qui lui conférait à jamais le titre imposant de Juge. Plus tard, il s’était mêlé de politique, et jouant un rôle considérable dans l’une et l’autre branche de la législature d’État, il avait pris place au Congrès pendant une ou deux sessions. Le juge Pyncheon était évidemment L’honneur de sa race. À quelques milles de sa ville natale, il s’était bâti une maison de campagne où il passait tout le temps que lui laissait le service public, et où maint journal le représentait, à la veille de chaque élection, comme « menant la vie la plus hospitalière et la plus vertueuse, dans l’exercice de tous les devoirs qui constituent le vrai chrétien, le citoyen zélé, l’horticulteur modèle et le gentleman accompli. »

Le Juge avait fort peu de parents qui se pussent réchauffer au soleil de sa prospérité. Depuis quelque temps, la race des Pyncheon avait cessé de multiplier dans les proportions ordinaires ; on eût pu croire qu’elle allait s’éteignant. Les seuls membres de la famille dont l’existence fût connue, étaient d’abord le Juge lui-même, puis un fils unique à lui, qui, pour le moment, voyageait en Europe ; — venaient ensuite le prisonnier trentenaire auquel nous avons déjà fait allusion et une sœur de ce malheureux, laquelle menait une existence très-retirée dans la Maison aux Sept Pignons, où le testament du vieux garçon lui avait ménagé un droit de jouissance viagère. On la regardait comme excessivement pauvre, et il semblait qu’elle s’entêtât à le demeurer, d’autant plus que son riche cousin, le Juge, lui avait offert à plusieurs reprises,