Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

main gauche, mais si bien serrée, si bien enveloppée, qu’on n’en saurait voir le cadran… Quelle méditation profonde !… Ou, si nous le supposons endormi, quel repos d’enfant, quelle paix de conscience, quel ordre parfait dans les régions gastriques se manifeste par un sommeil si calme, sans sursauts, crampes, démangeaisons, paroles vagues, émissions nasales, irrégularités de respiration !… Vous en êtes réduit, pour vous assurer qu’il respire, à retenir vous-même votre souffle.

Et même alors vous n’entendez absolument rien… Si ; vous entendez le bruit régulier qui marque le progrès des secondes ; — quant à sa respiration, elle n’arrive pas jusqu’à vous.

Voilà certainement le plus sain, le plus rafraîchissant des sommeils.

Mais non, le Juge ne saurait être endormi. Ses yeux sont ouverts ! Un politique émérite comme lui ne consentirait jamais à dormir ainsi, de peur que tel ou tel antagoniste, tel ou tel artisan d’intrigues, le prenant au dépourvu, ne profitât de ces fenêtres ouvertes pour venir épier l’intérieur de sa conscience, où parmi ces réminiscences, ces projets, ces espoirs, ces craintes dont le Juge, n’a jusqu’ici fait part à personne, et qui constituent le fort et le faible de sa situation, le gaillard ferait peut-être de singulières découvertes. Un proverbe dit que « l’homme avisé ne dort jamais que d’un œil ; » la précaution peut être sage, mais dormir les yeux ouverts serait une impardonnable négligence. — Conclusion : le juge Pyncheon ne saurait être endormi.

Dès lors il est singulier qu’un gentleman si surchargé