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Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/54

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faire tant de méchants portraits… Quelques-uns de ces biscuits, trempés dans l’eau salée me fourniront le déjeuner dont j’ai besoin… Combien vendez-vous la demi-douzaine ?

— Laissez-moi rester lady quelques instants encore, » répondit Hepzibah avec une révérence à la vieille mode, que rendait presque gracieuse un mélancolique sourire. Et refusant d’en recevoir le prix, elle lui remit les biscuits demandés… « Une Pyncheon, ajouta-t-elle, ne consentira jamais, sous le toit de ses pères, à se voir payer par le seul ami qui lui reste la valeur d’une misérable bouchée de pain ! »

Holgrave la quitta un peu moins abattue qu’il ne l’avait trouvée ; mais, en peu d’instants, les scrupules et les appréhensions étaient revenus presque aussi importuns qu’auparavant. Chaque fois qu’on passait dans la rue, où même de si bon matin la circulation commençait à devenir fréquente, Hepzibah sentait battre son cœur. À deux ou trois reprises les pas se ralentirent : il y avait là quelque étranger ou quelque voisin, dont les regards s’arrêtaient sur l’étalage. Double torture, alors, pour la pauvre marchande : la honte, en premier lieu, que des yeux indifférents ou railleurs eussent le droit de contempler à loisir cette sorte d’exposition ; et l’observation (vraiment ridicule) que l’étalage n’était pas à beaucoup près aussi bien compris, aussi avantageux qu’il aurait pu l’être. On eût dit que le succès ou la facilité de son commerce dépendaient absolument de la manière dont tel ou tel article était situé, du remplacement de telle pomme tachée par une autre pomme plus irréprochable et plus appétissante. Elle faisait alors le changement requis, et aus-