Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/87

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les, ici elle mettait un meuble en pleine lumière, là-bas elle en repoussait un autre dans l’ombre, relevait ce rideau, laissait tomber le voisin, et avait fini, au bout d’une demi-heure, par communiquer une espèce de sourire hospitalier à ce vieux taudis de mine si sombre, si rechignée, et qui rappelait à tant d’égards le cœur inhabité, refroidi, de la maîtresse du lieu.

Puis il y eut là comme un exorcisme. L’antique chambre à coucher avait dû servir de théâtre à bien des épisodes divers de la vie humaine. De jeunes époux y avaient sans doute échangé leurs soupirs d’amour ; nés à l’immortalité, maints petits êtres vagissants y avaient aspiré leur premier souffle ; maints vieillards y avaient rendu leur âme à Dieu. Mais, — soit l’influence des roses blanches ou de par tout autre charme subtil, — la chambre à coucher, — tout à coup purifiée, tant du mal ancien que des douleurs anciennes, par l’haleine parfumée et les pensers sereins de la jeune fille, — revêtit en quelque sorte une virginité nouvelle. Ses rêves radieux, pendant la nuit qui venait de s’écouler, avaient dissipé les ombres passées, et à leur place maintenant peuplaient, fantômes riants, la pièce où elle était installée.

L’ordre établi comme elle le voulait, Phœbé sortit encore de la chambre pour descendre au jardin, où l’attirait le souvenir de quelques fleurs perdues çà et là dans le désordre luxuriant d’une végétation livrée au hasard. Mais, sur le palier, elle rencontra Hepzibah qui la fit entrer dans ce qu’elle eût appelé son « boudoir, » si ce mot français eût fait partie d’un vocabulaire exclusivement américain. Il y avait dans ce cabinet retiré quelques vieux volumes, un panier à ouvrage, une écri-